Mon déplacement à Londres fin Juin et un peu de temps dans un avion m’ont permis d’achever la lecture de « La vocation » de Sophie Fontanel.
Sophie, ma chère Sophie que je suis et lit presque religieusement presque partout où elle publie, sous quelque forme que ce soit: ses livres, ses tweets, ses chroniques sur Inter ou dans L’Obs, ses merveilleux petits billets illustrés et traduits de manière machiavélique sur Instagram.
J’avais dévoré et était tombée amoureuse de son « Envie » dont j’avais été incapable de parler ici tant ce livre m’avait touchée et avait trouvé un écho fort en moi.
Nos existences n’ont rien en commun mais son livre parlait de moi et mon expérience du célibat.
Ce livre est un trésor, lisez-le si vous êtes passé à côté, sa tendresse et sa force font du bien.
Dans « La Vocation » la magique Sophie romance l’histoire de sa famille et son expérience à la tête de la mode dans Elle (époque Valerie Toranian que j’aime tant).
C’est un roman mais tout y est tellement juste qu’évidemment tout est vrai. L’essence de tout est vrai.
La famille de Sophie, des arméniens arrachés à leur Turquie natale pour ne pas y être massacrés a le culte du beau. Du beau vêtement en particulier.
Le beau vêtement qui porte, protège, préserve la dignité, élève.
Dans cette famille le vêtement est aussi important – peut-être plus encore – que ce que l’on mange.
Le vêtement ne fait pas que couvrir le corps, il aide l’humain qu’il accompagne.
Sans pouvoir dire que j’ai ce culte moi aussi, je le comprends et le respecte infiniment. Je comprends et adhère à cette foi-là.
Les beaux vêtements, les habits sublimement faits m’émeuvent autant que les œuvres d’art car ils peuvent en être eux aussi. Je sais bien que les couturiers refusent que l’on qualifie leur travail d’art et n’acceptent que le terme d’artisanat, mais lorsque cet artisanat est fait avec intelligence, générosité et l’âme de l’artisan, alors ce qui en sort n’est pas un simple objet.
Et donc les grands-parents de Sophie, suivis de leurs filles sont des artisans du beau, des admirateurs du beau, et des passeurs du beau. Le beau peut être l’épure même comme il peut être la différence ou le surprenant. Et c’est ce que décrit très bien Sophie Fontanel: sa famille utilise les vêtements – beaux évidemment – comme outil de construction de son identité et de soi.
Quand on voit le temps que certains d’entre nous passent à choisir leurs vêtements, leur style, leurs tenues, on comprend que même si c’est bien souvent inconscients nos vêtements participent de qui nous sommes et bien souvent nous aident à tenir sur nos deux jambes et à vivre dans ce monde pas forcément tendre.
En parallèle de cette géniale saga familiale Sophie nous raconte son passage à la direction de la mode de « Elle ». Et on découvre que ce qui aurait dû être un bonheur et un merveilleux clin d’oeil à son histoire familiale (je refuse de dire un aboutissement car Sophie Fontanelle est en évolution constante, elle n’a pas fini de nous épater) fut une douleur et une frustration.
Parce que la presse féminine ne peut plus vraiment en avoir quelque chose à faire du beau vêtement, elle doit satisfaire annonceurs et investisseurs, qui eux n’en ont vraiment rien à faire du beau vêtement, il suffit de voir ce qu’ils infligent aux créateurs.
Heureusement que Sophie a la beauté, la gentillesse et l’humour chevillés à l’âme et aux yeux, cela lui permet d’analyser et raconter tout cela avec la légèreté que cela exige, mais on comprend tout le poison associé à cette fonction.
Bien sûr il y a la bienveillance de Valérie Toranian, bien sûr il y a la sensibilité et les accès de génie de certains créateurs et les quelques personnes d’exception que compte ce petit milieu, mais qu’il est bouffé par le fric, on a beau le savoir, cela reste écoeurant et décevant.
La plume de Sophie est bien sûr toujours aussi belle, subtile, drôle et touchante, un bonheur des mots aussi beaux que les vêtements dont elle parle et choisis avec autant de soin. Pas de fioritures inutiles c’est beau comme un pantalon Céline.
A lire si ce n’est déjà fait!
🎶 Smile 🎶