Ce sont sans doute les héros de la littérature française les plus odieux, et les plus célèbres.
Un couple monstrueux mais ô combien séduisant.
La marquise de Merteuil et la vicomte de Valmont.
Les liaisons dangereuses.
Stephen Frears y est pour beaucoup tant son adaptation cinématographique est réussie, essentiellement grâce aux interprétations magistrales de John Malkovitch, Glenn Close et Michelle Pfeiffer.
La seule scène d’ouverture mérite le visionnage du film. Si vous ne l’avez jamais vu, faites-le, c’est un chef d’oeuvre.
Mercredi soir Holy et moi nous sommes assises au quatrième rang du Théâtre de la Ville pour voir et écouter Dominique Blanc et Vincent Pérez dans les rôles titres.
Lorsque j’avais vu la pièce et sa distribution dans le programme du Théâtre de la Ville je n’ai pas hésité une seule seconde, j’ai sélectionné et me suis dépêchée de renvoyer notre bulletin d’abonnement.
Probablement le spectacle de théâtre que j’attendais avec le plus d’impatience. Ce fut donc un vrai plaisir de voir que nous étions si bien placées.
Sur la scène un décor très simple, entièrement neutre et noir, mais qui structure l’espace, crée des niveaux et des profondeurs, apportant la distance rendue nécessaire par la forme épistolaire de l’oeuvre originale.
Il s’éclaire et s’assombrit pour souligner les ouvertures et fermetures de lettres. Le jeu de lumières est très réussi, précis au millimètre et parfaitement au service du texte et de l’atmosphère des missives échangées par les personnages.
Il en va de même avec les costumes, classiques mais totalement conçus pour servir le propos de Laclos et de ses protagonistes.
Comme Stephen Frears, Christine Letailleur n’a semble-t-il adapté le texte de Laclos qu’à la marge.
J’ai étudié ce roman épistolaire au lycée et me souviens m’y être ennuyé ferme. Les mots et la langue de Choderlos de Laclos ne me parlaient pas, je ne comprenais pas ce libertinage en pleine époque des Lumières et surtout je n’avais pas perçu à quel point le personnage de la marquise de Merteuil pour toute implacable et cruelle qu’elle soit, est un fantastique personnage de femme puissante dans un monde masculin et machiste.
Elle tient son pouvoir de son intelligence et de sa culture, non de son apparence physique ou de ses savoir-faire traditionnellement féminins.
L’adaptation de Christine Letailleur montre très bien cette puissance et cette intelligence. Elle met aussi très bien en valeur l’humour et l’ironie du texte de Laclos.
Pour la première fois j’ai ri devant ce texte que j’ai toujours trouvé tragique. L’intrigue est tragique, les échanges ne le sont pas, bien au contraire.
Les échanges de la marquise et du vicomte sont remplis d’ironie perfide. C’est d’ailleurs par cette ironie que l’on passe du libertinage au drame, de l’amour à la haine.
Dominique Blanc est impressionnante dans son rôle, elle incarne une marquise de Merteuil dangereuse mais magnifiquement humaine.
Quant à Vincent Pérez, sans surprise, il est un délicieux Valmont, pervers et séduisant à souhait.
On sent que tous les deux savourent leur texte et le fait de jouer ensemble. Le couple est remarquable.
J’ai également beaucoup aimé Julie Duchaussoy en présidente de Tourvel réservée et gentiment déconnectée de son époque, mais pas si faible que celle du film de Frears.
Fanny Blondeau campe quant à elle une Cécile de Volanges nature à souhait, naïve, franche comme l’or mais finalement très fragile.
Si jamais la pièce passe près de chez vous, allez la voir, elle donne envie de relire « Les liaisons dangereuses » (ce que je suis en train de faire).
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Les Liaisons Dangereuses
Théâtre de la Ville
Jusqu’au 18 Mars 2016