Petit billet deux en un pour vous parler des deux derniers spectacles que nous avons vu au Théâtre de la Ville. Du théâtre puis de la danse, les deux des spectacles exceptionnels que nous ne sommes pas près d’oublier.
« Corbeaux, nos fusils sont chargés » est du théâtre japonais contemporain. Nous avons déjà vu des œuvres allemandes, hollandaises, anglo-saxonnes, argentines, espagnoles et bien sûr françaises, toujours dans le texte – Théâtre de la Ville oblige – mais japonaises, jamais.
Il fallait forcément essayer. Et puis le programme annonçait une pièce mythique.
Nous n’avons pas été déçus de notre escapade japonaise. 1h10 de folie furieuse totalement désarçonnante pour des occidentaux dans notre genre.
Officiellement nous avons vu des grands-mères prendre en otage le tribunal où étaient jugés deux de leurs petits-fils et tout éparpiller façon puzzle. Officiellement.
En réalité je ne suis toujours pas sûre de ce que j’ai vraiment vu, du message convoyé par la pièce, mais je sais une chose: cette pièce extraterrestre doit être vue car dans son étrangeté elle est universelle.
Les deux groupes – les « vieux » et les « jeunes » du Saitama Theater – qui interprètent la pièce sont incroyables, d’une justesse (je ne parle pas japonais mais je sens qu’ils sont justes, c’est tellement étrange, non?) et d’énergie un peu flippante mais contagieuse. J’ai (je crois même pouvoir dire « nous ») adoré la mise en scène presque aussi déjantée que la pièce elle-même. De grands aquariums remplis d’humains (morts ou en train de naître?), des mamies qui descendent du public et se mettent à cuisiner, des explosions, un string violet… et au moment où l’on se dit que tout cela est peut-être trop pour nous, tout s’arrête et l’on reste stupéfait et les yeux écarquillés devant cette étrangeté théâtrale. Il n’y a plus qu’à applaudir les incroyables artistes.
Ils sont un peu fous ces Japonais, mais c’est tant mieux!!
Quant à la danse, c’était lundi soir avec Philomène et Holly (Mr Papillon aime bien céder sa place pour que sa femme et ses amies soient en goguette à la Robe et le Palais et au théâtre). Au programme « Torobaka » d’Akram Khan et Israel Galvan.
Éblouissant.
Prenez un danseur bangladais qui maitrise la tradition du khatak et un danseur sévillan qui vient de la tradition du flamenco et faites les se rencontrer et danser ensemble accompagnés de 4 musiciens et chanteurs. Et bien vous obtenez de la magie. Bande annonce!
Les deux traditions « folkloriques » sont bien là, ce sont les racines des deux danseurs et chorégraphes, on ne doute à aucun moment de leurs origines et de leurs sources d’inspiration. Mais jamais au cours de cette 1h10 on ne voit de danse folklorique, Akram Khan et Israel Galvan nous emmènent ailleurs.
Je crois que c’est à cela que l’on reconnaît les très grands créateurs: ils ne nourrissent intensément des traditions, maitrisent sur le bout des doigts les classiques, et en font tout autre chose, qui s’adresse universellement à tous les chanceux qui assistent à la performance.
Comme Holly les passages de ce ballet que j’ai préférés sont ceux où les deux danseurs évoluent ensemble, comme dans une sorte de pas de deux / corrida / duel infiniment élégant, racé, plein de fougue, mais aussi d’une sacrée technicité.
Nous en avons pris plein les yeux, et sommes tombées sous le charme des jambes et bras interminables d’Israel Galvan. Ce danseur a une présence scénique incroyable, il en aurait presque éclipsé le pourtant si charismatique Akram Khan.
Bref assurez-vous de prendre des places pour ce spectacle s’il passe près de chez vous!
Pour découvrir les coulisses de la création, il suffit d’aller sur ce site Internet (et ça c’est la puissance et la modernité de l’Akram Khan Company).
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Torobaka
jusqu’au 5 janvier 2015
Théâtre de la Ville