La dernière fois que nous avons assisté à un ballet de la Merce Cunningham Company c’était il y a quelques mois seulement.
A l’époque une partie du spectacle nous avait laissés légèrement perplexes. Nous étions un peu passés à côté, ce qui est toujours un peu désagréable.
Rien de telle cette fois-ci. Ce spectacle nous a littéralement enchantés.
Il marquait le début de notre saison au Théâtre de la Ville et ce fut un début en fanfare.
Ce 1er programme (2 programmes Merce Cunningham sont proposés au Théâtre de la Ville cette année) est une balade dans l’univers créatif de grand Merce: du récent, du plus vieux et du quasi originel. Dans cet ordre.
« Pond way« , créé en 1998 sur une musique de Brian Eno et un décor de Roy Lichtenstein (l’un de mes artistes pop préférés – « Landscape with boat » utilisé ici est une splendeur zen) est une merveille d’élégance.
« Pond Way » ou 24h dans la vie d’une mare.
Ou comment des danseurs deviennent eau, roseau, roche ou ces petites bestioles et insectes qui peuplent nos mares.
Grâce, technique, élégance, douceur, cette pièce m’a complètement émerveillée par l’apaisement qu’elle a propagé dans la salle.
J’ai trouvé quelques extraits sur You Tube, je partage.
La musique est envoutante, le décor très beau dans son épure et les costumes des danseurs sont fabuleux dans la manière dont ils sublimes chaque mouvement.
« Second hand » (1970), la deuxième pièce a une drôle d’histoire.
D’abord solo, puis duo et finalement ballet pour groupe, cette œuvre a évolué dans le temps suite aux encouragements de John Cage (le compagnon et compositeur de Cunningham) a concevoir un ballet pour l’ensemble d’une partition d’Erik Satie et pas seulement l’un de ses mouvements.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là puisque le droit d’utiliser le morceau de Satie a été refusé à Cunnigham.
John Cage a donc recomposé un morceau, très très influencé par Satie, et qui est donc une sorte de « second hand Erik Satie ». Le nom de la pièce vient donc de là.
Pour moi cette œuvre est une sorte de concentré de la danse selon Merce Cunningham: des mouvements parfaits, épurés à l’extrême et qui sont donc la fusion parfaite entre la technique impeccable de la danse classique et l’audace et la créativité de la danse contemporaine (je suis une malade qui observe toujours les extrémités des danseurs: doigts « placés », pointes de pieds « effilées »… je suis dingue!) ; des pas de deux pleins de sensualité froide et des costumes qui servent son propos de manière impeccable, en l’occurrence le groupe de danseurs constituait un magnifique arc-en-ciel (chacun dans un académique à manches longues de l’une des teintes de l’arc-en-ciel).
Cette pièce m’a étonnée, émue et infiniment touchée.
La troisième pièce nous a emballés par son humour et son irrévérence.
« Antic meet » (1958) parle en effet la rupture entre Merce Cunningham et la chorégraphe Martha Graham pour qui il dansait. Lui habituellement dans l’épure, l’amour du hasard et de la répétition, le voilà parti dans du too much.
Pendant la représentation je me suis dit qu’il y a avait du Marcel Duchamp dans cette histoire.
Je n’étais pas si loin puisqu’il s’était adressé à Rob Rauschenberg, néo-dadaïste cher à mon cœur (des fois je le mets chez les néo-dada, des fois chez les pop-art, si quelqu’un peut me « débêter », ça m’intéresse!!) pour la conception du décor.
Si vous voulez du détournement d’objet, de l’accumulation d’objet, de la sublimation d’objet par l’absurde, vous vous adressez à la bonne personne.
Résultat nous avons un danseur ficelé à sa chaise (littéralement), une porte qui danse, des danseuses mi-nuages, mi-meringues, mi-tea cosy… à moins que ce ne soient des moutons, un pull qui hésite entre fou du roi et petite fourmi, des danseurs en manteau de fourrure géante, en lunettes de soleil ou avec parapluie.
Et on va bien au delà de la danse, il y a autant de mime, de jeu, d’acrobatie que de danse au sens pur du terme dans cette histoire.
C’est de la danse au 3ème degré que Merce Cunningham et son impressionnante compagnie nous offrent.
Un régal d’étonnement et de drôlerie!
dis donc, ça avait l’air super! tu as eu plus de chance que nous (moi et ma soeur) quand, en… 1991 (ça devait etre), on est allé le voir (il etait encore vivant il avait meme fait une apparition sur scène) à Garnier: musique en forme de grincements de portes, choregraphie obscure… ma soeur etait ressortie de là avec plus mal à la tête qu’à l’arrivée!!! Tout le poulailler a sifflé à la fin, en hurlant « Vive Mozart ». Un souvenir cuisant!!
ps: nous c’est Alvin Ailey, (AileyII) qu’on est allé voir ce vendredi. Différent, plus neo-classique et bejartesque, mais sublime (cf video chez moi!)