Il arrive parfois que le quotidien soit tellement dense et prenant que j’en oublie presque les spectacles qui émaillent mon année. Je les appelle souvent les « petits cailloux blancs », semblables à ceux du Petit Poucet. Je les jette dans mon calendrier des mois à l’avance, au moment où je réserve mes abonnements, les oublie un peu, et les retrouve avec plaisir le moment venu.
Ce fut le cas de ce spectacle du 9 février qui m’offrir une double surprise. J’ai d’abord réalisé quelques jours avant la date que Holly serait aussi là ce soir-là. Nous essayons toujours d’avoir des dates en commun, mais c’est plus ou moins facile, et c’est donc assez rare pour nos soirées à l’opéra. Nous savions que nous avions la soirée du 24 mars en commun (je ne sais plus quel est le spectacle, mais la perspective des entractes partagés avec Holly sont une joie en soi), mais avions l’une et l’autre oublié la soirée de février.
Seconde excellente surprise, la programmation de la soirée nous a et étonnées et beaucoup réjouies.
Jérôme Bel a créé une pièce qui aurait eu toute sa place sur la scène de notre bien-aimé Théâtre de la Ville.
De l’audace, de l’imprévu, du peut-être dérangeant pour les plus traditionnels, sa « Tombe » nous a l’une et l’autre ravies. Cette œuvre n’est pas un ballet au sens classique du terme, même si on y voit sur scène des danseurs et que l’on y danse. Ce n’est pas du théâtre même si elle est travaillée comme une pièce. Cela pourrait presque être une étude ou un hommage à l’opéra et à son univers magique.
C’est tout cela en fait. Cela a tellement surpris une partie du public que pour la première fois je l’ai entendu râler, s’agacer et se manifester négativement.
Holly et moi avons été profondément émues par cette pièce que j’ai trouvé très douce et très poétique. Et délicieusement irrévérencieuse, dans ce que l’irrévérence a de plus constructif et intelligent.
Quelle belle audace de Benjamin Millepied d’avoir fait entrer cette création dans le répertoire de la maison. Son public a bien besoin d’un petit « secouage de puces ».
(Vous me lisez bien, pour une fois j’aime une initiative de Mr Millepied. Attendez la suite)
A l’entracte nous avons savouré (un peu trop vite, la pièce suivante a débuté dans une petite brume aromatisée au Cointreau) les cocktails créés par Cointreau pour ses bars installés aux pieds de certains escaliers.
Nous les avions réservés avant le début du spectacle, nous n’avons donc eu qu’à retrouver notre guéridon et nos verres pour profiter de notre entracte.
Un délice, à recommander et à refaire (Holly, en Mars, ils sont pour moi!)
Je pense avoir choisi ce spectacle car j’adore la surprise de nouvelles créations ou de nouveaux ajouts au répertoire de l’opéra, ce qui est le cas pour ce spectacle.
J’ai probablement été un peu sceptique par a priori pour la création de Benjamin Millepied dont je n’apprécie que moyennement le travail chorégraphique.
J’ai bien (nous avons bien fait car là encore notre avis est partagé) d’avoir choisi ce spectacle, « La nuit s’achève » est une splendeur dont je me suis régalée du premier au dernier pas.
Si j’ai souvent reproché au travail de Mr Millepied de me paraître inachevé, trop flou voire méchamment brouillon, là ce fut tout l’inverse.
Je me suis dit qu’il montrait ce que le néo-classique pouvait avoir de plus beau et élégant.
Une chorégraphie technique, aboutie, construite, avec des ensembles vifs et spectaculaires à regarder, des duos très sensuels. Non la danse classique n’est pas cérébrale ou « vieux jeu », elle peut être aussi audacieuse et sexy.
Les costumes de ce ballet sont somptueux, tant par leurs coupes sobres mais sexy que leur chromatiques évocatrices de nuit de fête ou de nuit blanche moins joyeuse.
Et soirée de chance, des Étoiles étaient sur scène!
J’attendais énormément des « Variations Goldberg » de Robbins. Cet ensemble de Jean-Sébastien Bach compte parmi mes morceaux préférés (surtout dans leur interprétation par Glenn Gould).
Las, comme souvent lorsqu’on a beaucoup d’attentes j’ai été déçue par un ballet bizarrement beaucoup trop classique et traditionnel, vêtu qui plus est de costumes aux couleurs les moins flatteuses qui soient.
J’ai beaucoup aimé l’idée d’un morceau qui se décline comme un cours de danse, l’apprentissage d’un nouveau morceau avant de le voir maîtrisé et interprété dans des costumes très XVIIème, mais au final cette histoire devient très ennuyeuse et manque de fantaisie.
La distribution m’a fait légèrement froncé les sourcils puisqu’on y retrouvait une partie de la petite cour de Benjamin Millepied. Vivement que cette maison « réutilise » vraiment à plein tout son corps de ballet et ses étoiles.