Cela faisait une semaine que j’étais excitée comme une puce à la perspective du spectacle – nos voisins n’en peuvent plus de se prendre « La Flûte enchantée » tous les matins au petit déjeuner -mais au moment d’entrer dans la salle, soudain l’angoisse d’avoir eu trop d’attentes et donc d’être déçue.
Et si le spectacle n’était pas à la hauteur de ce que je projetais dessus?
Et si l’air de la Reine de la Nuit ne me donnait pas la chair de poule et les larmes au bord des cils?
Et si le final ne me donnait pas envie de me lever pour applaudir comme une folle le génie de Mozart et des artistes?
Et si je ne fondais pas en écoutant Papageno et Papagena roucouler tendrement?
Je me suis auto-secouée et je me suis assise, conquise par avance.
L’orchestre est dirigé par Philippe Jordan, rien de mal ne peut arriver, seule la splendeur va emplir l’espace et le temps.
En fait la chair de poule est arrivée dès les premières mesures et j’ai cessé de me poser des questions.
Mozart les amis, Mozart est le fond sonore de mon enfance et celui de ma vie présente plus souvent qu’à son tour.
Mozart c’est un festin au champagne, une sieste au bord de la mer ou dans l’herbe tendre du jardin de Bagatelle, c’est une sieste avec chaton, des vacances au loin avec Mr Papillon. Mozart c’est du bonheur à l’état pur.
Alors entendre « en vrai » mon opéra préféré est forcément une expérience incroyable, surtout lorsque la mise en scène est tellement magique et moderne.
Tiens d’ailleurs il faudra que je demande à notre amie Cécile si elle lui a fait penser à elle aussi au brillant travail d’Emmanuel Demarcy-Mota.
Contemporaine, drôle, poétique, forte et pleine d’énergie, décalée comme il le faut, nous avons adoré ce décor si dépouillé et pourtant si fort dans le déroulé de l’intrigue, les saisons qui défilent derrière les artistes, les chanteurs pieds nus dans l’herbe, ces passages dans la salle… Bref nous avons été conquis par la mise en scène de Robert Carsen, tellement différente de ce que nous avions vu l’année dernière aux Invalides.
Et puis l’interprétation… Je ne suis pas experte, je sais dire si j’aime un timbre de voix ou pas, si elle vibre trop à mon goût ou pas, je sais juste que j’ai adoré ce que j’ai entendu jeudi soir.
J’ai retenu mon souffle en écoutant la reine de la nuit se lancer dans son acte de bravoure. C’est une chose de l’entendre, c’en est une autre de voir une cantatrice toute fine et menue produire cet air incroyable.
J’ai trouvé que Pamina couvrait un peu trop le chant fabuleux de Papageno pour qui j’ai eu un coup de cœur.
Tamino était le charme incarné quand la magie mettait du temps à opérer avec un Sarostro moins charismatique que celui applaudi en septembre dernier.
Les 3 grâces étaient délicieuses de drôlerie et de prouesse vocale et les 3 enfants sages absolument incroyables (le cristal parfait de leur voix, la maladresse adorable de leurs gestes).
Le public ne s’y est pas trompé: il a ri, applaudi, s’est agacé joyeusement des préjugés sur les femmes si dangereuses et a fini par applaudir debout une troupe qui s’amuse et se régale à jouer cette merveille d’opéra.
Je cours prendre des places pour la saison 2015!!
Une réflexion sur “Une flûte enchanteresse”