Je la vois certains matins à mon arrêt de bus. Nous prenons le 92 ensemble jusqu’à l’Étoile.
Elle a le style des femmes qui travaillent dans les grands cabinets de conseil ou d’audit, ces « big 5 » qui faisaient rêver certains de mes camarades d’école de commerce.
Tailleur pantalon à la belle coupe affutée et élégante, manteau ou trench noir, talons aiguilles originaux juste ce qu’il faut (un gros nœud de tissu gris en ce lundi matin) ou bottines à talon ultra sobres, joli Pandora de Givenchy au bras, BlackBerry tenu gracieusement d’une main manucurée de rouge vif, grosse manchette en argent (Hermès si je ne me trompe pas) au poignet.
Le cheveu est sagement lissé mais l’on devine parfois à une mèche que ce n’est pas sa nature, le maquillage discret.
L’élégance corporate d’une jeune femme de trente ans, ravissante et qui a un goût très sûr pour le beau et le raffiné.
Elle me fascine par sa sobriété, je serais curieuse de connaître sa panoplie du week-end.
Elle est blonde, bien faite, mince, de longues jambes dépassent de sa toute petite robe sans manche brodée de sequins blanc nacré.
Elle est blonde. Évidemment elle est blonde, les codes du moment l’exigent. Elle a ourlé ses yeux d’un smoky noir, soigné son teint.
A ses pieds des sandales qui rappellent les Tribute de Saint-Laurent. Coloris « nude », plateforme de 3 cm, talons de 13 ou 14 cm. Tant pis si marcher sur les galets et les pavés des petites rues de Desenzano est un calvaire et un danger permanent.
Ce soir elle brille de mille feux, on ne voit qu’elle ou presque à la terrasse du restaurant.
Elle sentira toutes les têtes se tourner, tous les yeux se braquer sur elle quand elle marchera vers le pont et la marina avec son amie. Et cela l’amusera beaucoup.
Quelle rabat-joie cette touriste française qui pense que l’effet de la robe serait encore plus fou si elle la portait avec une paire de ballerines si légères qu’on la croirait pieds nus, qui se dit qu’un chignon aurait été tellement joli pour mettre en valeur son cou et que décidément elle n’a pas besoin de tout ce maquillage. Qu’y connaît-elle aux codes de la séduction italienne, elle qui dîne en slim, marinière et boots python sans talon et qui n’a manifestement pas enfilé de mini-robe depuis 2002?
(Rien, je vous le confirme.)
Je suis ambivalente au sujet de ces Italiennes de tous âges qui ne s’habillent qu’en court, moulant, synthétique, décolleté et talons de 13cm: d’un côté il est indispensable qu’elles aient le droit et puissent le faire. Que toutes les femmes du monde puissent le faire et se balader en culotte si cela leur chante, c’est un signe de la santé et de l’avancée d’une société.
D’un autre côté me dire que c’est ainsi que se définissent la féminité et la séduction m’horrifie. La société a suffisamment progressé pour qu’une femme puisse se promener à moitié nue sans (trop de) risque, mais elle n’a pas assez avancé pour se débarrasser de codes archaïques et grossiers (dans tous les sens du terme).
Depuis quand une femme doit-elle adopter toute l’apparence d’une prostituée pour être séduisante?
Jouer la provocation occasionnellement, comme l’une de nos multiples facettes, clairement voilà qui est amusant, mais n’être que ça?
La mode et les vêtements permettent de jouer le caméléon, de jouer des contraires et des contrastes, de jouer n’importe quel rôle puis son opposer dans la minute ou presque. La vision de vêtements et codes vestimentaires pris au premier degré est toujours tellement effrayant…
Les années Berlusconi ont fait beaucoup de mal à la société italienne et à l’image des femmes (ne me lancez pas sur le sujet de leurs droits, entre le fait que les gynécologues italiens refusent de plus en plus de pratiquer des avortements et nous avons aperçu une effrayante « boîte à bébé » dans les rues de Bergame… je pourrais être partie pour des heures), j’espère qu’elles vont réapprendre à jouer avec leurs vêtements selon leurs propres règles du jeu et par pour satisfaire les fantasmes de vieux sexagénaires pervers et tellement à côté de la plaque qu’ils me semblent être des extra-terrestres.
Nos fringues peuvent paraître bien futiles, mais elles véhiculent bien des messages, disent bien des luttes et des droits. Je sais que si je n’aime rien tant que l’élégance et la sobriété, il est important que les mini-shorts et les petites robes courtes et/ou décolletées aient le droit de se balader en paix dans la rue, que nous ayons le droit d’être habillées en bonnes sœurs un jour et en bimbo sexy le lendemain sans que cela autorise qui que ce soit à commenter ou nous importuner.
je suis d’accord avec toi: trop de féminité tue la féminité, de toute façon, et elles sont légions, ces Parisiennes (ou Italiennes, encore que, les Italiennes à Paris sont plus en baskets girly à paillettes + sacs à dos Invicta) qui, perchées sur des talons de 12 + mini-jupes, pensent incarner le sommet de l’élégance… Alors que bien souvent, c’est le contraste qui paie…
Soit dit en passant, le texte de ton post est magnifique.
Excellent billet, merci !
Je suis tout à fait d’accord avec ta remarque sur le syndrome et le mal engendré pas le règne des années fric et show off du (beaucoup trop) long BerlusCONi, Italienne en France, je frémis à chaque fois que j’y vais ou que je lis ou entends un nouvel article sur les femmes et ce rabaissement. Bon OK, c’est aussi une question de culture (méditerranéenne, comme Espagne, Grèce, sud France, Maghreb….) et d’histoire. Et puis aussi, hélas, les méfaits, désolé, des images véhiculées par la télé, les émissions télé réalités, , la mode du bling et su show off, le fait que, désormais, pour être in, il faut être plus donc plus haut, plus court, plus jeune, plus maquillée, plus riche, enfin l’apparence quoi. Après des années de luttes dans les 70 et 80′, j’ai l’impression d’un gros retour en arrière insidieux et pernicieux, et j’ai peur pour les jeunes filles qui arrivent. Mais bon, hélas, tous le monde, oui tous le monde, associe toujours l’idée de sexy à « plus ». Mais enfin, et si l’on demandait aux mecs d’être sexy, que faudrait il ? Les hommes ont ils sexy d’ailleurs avec leurs baggy, leurs basket (souvent) pourries et j’en passe ? Il me semble aussi que ce « plus » peut traduire un grand manque de confiance en soi et le besoin de s’approprier ces codes du « plus » comme un aveu d’échec. Et je privilègie trop mon confort pour porter des talons au delà de 10 cm, une jupe trèèèèès courte et un décoletté au nombril (le tout ensemble bien sur). Les plus belles femmes et les plus grandes séductrices ne sont pas du tout celles qui sont dans le plus mais celles qui savent distiller…marigami
Ahah,je reviens d’Italie et je me suis fait la même réflexion à popos des ces femmes italiennes si premier degré dans leurs atours « sexy ».
Très joli texte, et si vrai… J’adore l’Italie, sa culture, ses spécialités culinaires, mais alors les italiennes… Bien souvent de mauvais goût, trop haut perchées, trop court vêtues de panthère et autre python… Même si j’ai le souvenir de quelques beautés romaines ou florentines, croisées au détour d’une ruelle, justes parfaites.